Haaland, la pièce manquante

Officialisé après des semaines d’interrogations et de questionnement, le transfert de l’attaquant Erling Haaland à Manchester City met un terme à ce feuilleton estival. Désireux de découvrir une autre équipe et de pouvoir lutter pour tous les trophées, Haaland rejoint un groupe déjà massivement armé. Un effectif bâti de toutes pièces par Pep Guardiola depuis de nombreuses années mais qui ne parvenait pas à franchir le palier de la Ligue des Champions. Avec Haaland, City vient de compléter un puzzle qui pourrait être indestructible. La philosophie de jeu du technicien catalan se voit ici légèrement empiétée, nous y reviendrons, mais la machine construite par Guardiola demandait cet ajustement afin d’être encore plus complète. Il n’y a désormais plus aucune faille dans cet effectif.

Pep Guardiola aura longtemps résisté, aura longtemps essayé, et s’il n’est pas allé jusqu’à se titulariser lui-même en pointe de l’attaque cityzen il aura tout de même fallu attendre plusieurs saisons avant de voir débarquer l’attaquant de pointe digne de ce nom pour compléter cette équipe. Chaque poste qui compose cette équipe a été pensé par Guardiola dès son arrivée à Manchester City en 2016, une ossature que le Catalan a complété avec le temps et des profils recherchés. Les latéraux ont été achetés pour coller à la philosophie de jeu de Pep, les milieux de terrain aussi, les ailiers également. Jamais Guardiola ne s’était tourné vers un profil de numéro 9, d’attaquant de surface, préférant même faire d’un autre milieu de terrain (Jack Grealish) le joueur le plus cher de Premier League l’été dernier avec un transfert proche des 120 millions d’euros. Grealish est encore en phase d’acclimatation dans le couloir gauche et la pointe de l’attaque a donc été confiée à un joueur sur le départ en la personne de Gabriel Jésus pour affronter le Real Madrid. Gabriel Jésus a marqué à l’aller lors de la victoire 4-3 de City, mais globalement il a manqué cette présence dans la surface lorsque le Real Madrid a choisi de réduire les espaces défensifs au match retour en face. Grealish entré en jeu s’est procuré une occasion pour terminer le match, mais le duel face à Thibault Courtois a tourné à l’avantage du Belge.

Manchester City a eu la maitrise technique lors des deux matches, comme lors de toutes ses rencontres depuis de nombreux mois, mais City n’est toujours pas parvenu à franchir un cap dans une compétition qui demande davantage une capacité à répondre à des situations ponctuelles, en plus des certitudes acquises dans le jeu auparavant. La machine imaginée par Guardiola et offerte par son club de City se rapproche en plusieurs points de celle montée par Pep avec Barcelone à ses débuts. Certes, il avait pioché dans un centre de formation exceptionnel en Catalogne mais si l’on s’attarde sur la construction pure de l’équipe, les similitudes sont nombreuses. Le schéma en 4-3-3 bien sûr, inamovible chez Guardiola, mais dans les profils de joueurs également. Une défense à 4 avec deux latéraux qui participent au jeu offensif dans leur couloir et capables de se positionner de manière plus axiale au besoin, un milieu à 3 qui comprend une pointe basse et deux joueurs beaucoup plus offensifs. Busquets – Xavi – Iniesta à Barcelone, Rodri – Silva – De Bruyne à Manchester City. Le secteur offensif aura également gardé la griffe Guardiola. Avec Messi en Catalogne, avec Foden ou Jésus à City.

C’est certainement ici que la machine imaginée par Pep n’aura jamais atteint le niveau voulu par l’entraineur Guardiola. Ce dernier a construit une équipe entière, et vient d’y ajouter la dernière touche qui devrait sublimer ce travail. Haaland n’est pas l’attaquant type de Pep Guardiola, mais c’est ici un sujet important et une des clés de la future réussite du joueur dans sa nouvelle équipe. Si Haaland n’entrait pas dans les plans de Pep, c’est tout d’abord en raison du profil d’un attaquant qui de par sa taille est moins mobile qu’un plus petit gabarit. Guardiola aime la possibilité de pouvoir profiter de la capacité à se déplacer avec et sans ballon de ses joueurs, et l’équipe dont il avait la charge jusqu’à présent reflétait la philosophie même de son entraineur. En regardant cette équipe, on y voit la volonté féroce de produire le jeu par le schéma collectif et les profils individuels des joueurs, mais également celle de récupérer le ballon rapidement à la perte, il y aura désormais de surcroit la possibilité de frapper dans la surface de réparation adverse à tout moment.

Haaland, machine à buts

L’attaquant norvégien a tout d’abord été recruté pour sa capacité à enchainer les buts et ce profil de pur numéro 9, d’attaquant de pointe par excellence, est le profil parfait. Avec 1m94 et 21 ans au compteur, Haaland est un profil redoutable pour une défense adverse. Capable de jouer dos au but grâce à ses remises plutôt intéressantes même si ce n’est pas encore le point fort, capable surtout de finir les actions face au but avec un total de 85 réalisations en 88 matches. Presque un but par match d’office c’est assez satisfaisant il faut le dire, et à cela il faut ajouter 19 passes décisives. Haaland est donc décisif plus d’une fois par match. Ce profil en particulier, si fort face au but pour terminer les actions, vient renforcer une équipe qui excelle d’ores et déjà dans la construction du jeu. Dans la recherche de déséquilibre du bloc adverse, mais qui manquait cruellement d’un atout capable d’achever une défense adverse. Avec des joueurs comme Foden/Grealish à gauche, Mahrez/Sterling à droite, et des atouts comme De Bruyne ou Silva dans l’axe, Haaland peut reçevoir un nombre assez incalculable de ballons dans la bonne zone. Avec des statistiques si impressionnantes dans un effectif moins armé, très hônnetement il y a de quoi être effrayé de tout son être avant d’imaginer les possibilités à Manchester City.

Une question se pose tout de même avec un profil individuel, et cela a été dit, qui n’entre pas dans les plans automatiques de Pep Guardiola. Un profil d’attaquant qu’il va falloir guider, tant dans son positionnement que ses courses. Etre capable de participer collectivement au pressing à la perte du ballon, être capable de se déplacer dans le bon espace sans ballon pour faire le bon appel, tout cela doit être travaillé par Guardiola. Ensuite, Haaland sera un élément à part entière de ce vestiaire si ambitieux et pourtant freiné depuis trop longtemps maintenant. Manchester City était déjà une équipe dont le niveau atteignait déjà des hauteurs élevées, mais qui peut désormais prétendre à devenir invincibles. D’un point de vue très personnel, la matière en question pourrait permettre de rééditer la saison 2003-2004 des Gunners avec zéro défaite au compteur en Premier League. Un championnat que City maitrise déjà, mis à part un titre laissé en route à Liverpool et dont Pep rappelle la rareté « Liverpool est une equipe avec une histoire européenne, mais ils n’ont gagné la Premier League qu’une fois en 30 ans ». Oui mais c’était contre vous, Pep.

Toujours est-il que Manchester City semble désormais intouchable, et cette capacité à produire du jeu en championnat sera le même atout présenté par cette équipe en Ligue des Champions. Avec la volonté d’avoir la possession grâce aux profils techniques, avec la capacité à jouer sans ballon également et se projeter en contres comme ce fut longtemps le cas en fin de match à Madrid. Avec des zones animées partout sur le terrain et c’est ici la nouveauté. La surface de réparation adverse sera désormais le lieu de choses assez inimaginables, et je plains d’avance les défenses adverses.

Emmanuel Trumer