De Bruyne, l’art et la manière

Actuellement convoqué en sélection avec la Belgique, Kevin De Bruyne n’a même pas le temps de savourer une nouvelle saison réussie sur le plan individuel et collectif. Sacré Champion d’Angleterre avec Manchester City, le milieu de terrain a de nouveau été l’artisan majeur de l’équipe de Pep Guardiola et comme ce fut le cas souvent ces dernières années a même largement dépassé son rôle et les attentes.

Profil individuel rare, extrêmement complet, Kevin De Bruyne est capable de faire basculer un match par sa seule présence sur le terrain. Le Belge est un joueur qui s’exprime sur une très large zone du terrain et ses qualités en font l’un des tous meilleurs à plusieurs postes. Numéro 10 de base, De Bruyne est un « facilitateur » de jeu qui aime faire jouer ses partenaires et ses statistiques de passes décisives sont un reflet de son profil individuel si rare. Pas étonnant que De Bruyne détienne le record de passes décisives sur une saison avec vingt caviars sur le championnat de Premier League 2019-2020. Globalement évalué très en dessous de ses qualités, il n’avait même pas été élu meilleur joueur cette saison, les « observateurs » préférant donner le trophée individuel à Jordan Henderson. Kevin De Bruyne n’a jamais couru après les trophées individuels, et cette personnalité reflète le joueur qu’il est sur un terrain de football. Numéro 10 en pur chef d’orchestre de ses équipes, capable de redescendre plus bas sur le terrain encore pour participer à la création du jeu et aux premières relances comme un numéro 8, et il également capable d’être buteur.

Avec quinze réalisations au compteur cette saison, il est le meilleur buteur d’une équipe de Manchester City qui manquait de la présence d’un numéro 9, d’un attaquant de pointe. Globalement, la zone d’activité de Kevin De Bruyne s’étend du rond central jusqu’à l’intérieur de la surface de réparation adverse. A l’aise avec les deux pieds, doté d’une vision du jeu hors normes, et donc même finisseur, De Bruyne est aujourd’hui le capitaine et le meilleur joueur du multiple Champion d’Angleterre en titre. L’arrivée d’un joueur comme Erling Haaland à City lors du mercato estival devrait donner encore plus de relief aux statistiques et à l’apport du Belge qui va trouver avec l’ancien attaquant de Dortmund un complément parfait pour martyriser les défenses adverses. Sa zone d’activité sur le terrain sera toujours aussi large, mais il trouvera plus d’espace et de possibilité pour faire mal aux défenseurs avec Haaland et sa capacité à monopoliser l’attention des défenses.

Après ses débuts à Genk, De Bruyne n’aura connu qu’un seul échec dans sa carrière : avec Chelsea et José Mourinho. Partout ailleurs, que ce soit en Bundesliga et donc maintenant en Premier League avec Manchester City il aura éclaboussé ses équipes de son talent. Il reste tout de même une interrogation mais qui ne devrait pas en être une en réalité, avec la sélection belge. Comme avec Mourinho et un entraineur dans l’incapacité de comprendre le génie du joueur, Roberto Martinez l’actuel sélectionneur des Diables est un coach qui n’a pas les capacités pour comprendre KDB.

L’objectif d’un titre mondial et d’une Ligue des Champions

Individuellement, Kevin De Bruyne a déjà atteint son paroxysme et un niveau qui devrait lui permettre de disputer tous les titres individuels et collectifs. Avec trois années de contrat le liant à Manchester City, KDB a déjà exprimé son souhait de rester au club et l’objectif sera très clairement de remporter la seule compétition qui manque à son palmarès : la Ligue des Champions. Le Belge s’est déjà exprimé favorablement pour l’arrivée de Haaland car il sait que ce profil de numéro 9 peut lui permettre de franchir le tout dernier palier qu’il lui manque en club. Que l’attaquant norvégien marque 20 ou 50 buts, le Belge n’en a que faire puisqu’il priorise toujours un rendement collectif qui le mettra de toute façon en valeur individuellement. Un moment lassé par le fait de stagner sous les ordres de Pep Guardiola, KDB sait que l’entraineur espagnol est celui qui l’a tout de même le mieux compris dans son jeu et qui lui a permis de s’exprimer de la meilleure des manières en lui laissant de la liberté. Alors c’est reparti pour un tour et cette fois avec des objectifs encore plus élevés.

Reste également l’interrogation de la sélection belge avec laquelle De Bruyne n’a jamais remporté de trophées. La raison est toute simple et se trouve dans un staff technique totalement incapable de le mettre en valeur. Martinez est enfermé dans des idées qui ne peuvent faire briller ses joueurs au plus haut point, et KDB subit donc avec une génération dorée le fait de ne pas pouvoir remporter de trophées internationaux. La confiance accordée à Roberto Martinez et son staff, Thierry Henry en tête, en devient frustrante car elle prive De Bruyne, Lukaku, Hazard, et d’autres, de pouvoir être mis dans les meilleures conditions. Le schéma tactique collectif bien sûr, que le sélectionneur a encore balayé d’un revers de la main comme s’il possédait un palmarès quelconque, mais également dans l’exigence. L’adjoint étant analyste pour une chaine de télévision en Ligue 1.

KDB a le niveau individuel pour tout remporter, et l’évolution observée à City devrait enfin lui être bénéfique, à lui. Lui qui n’a jamais réclamé quoi que ce soit, qui se contente de rendre ses équipes plus fortes, et qui subit le reste. KDB est un génie, longtemps incompris, et aujourd’hui certainement plus apprécié après un forcing nécessaire venu des Dieux. La saison prochaine permettra d’observer ces petits changements en club, mais il y a peu d’espoir que ce soit le cas en sélection. Peu importe, il a atteint aujourd’hui un niveau phénoménal et l’important pour lui se situe ailleurs notamment dans un rôle d’entraineur qu’il se verrait bien endosser après sa carrière de joueur. Puisque pas grand monde n’a été capable de le mettre en valeur, il le fera tout seul et il a parfaitement raison.

Emmanuel Trumer