Thiago Silva, l’heure du départ

Capitaine du Paris Saint-Germain depuis 2012 et l’année de son arrivée dans le club de la capitale française, Thiago Silva n’est pourtant jamais parvenu à hisser le PSG à la hauteur des attentes européennes des supporters franciliens. Avec un statut protégé depuis l’arrivée de Neymar à Paris, Thiago Silva incarne pourtant les maux d’une institution qui peine à se faire entendre. Un joueur qui devrait connaitre ses dernières semaines au PSG, à la faveur d’un contrat qui prendra fin à l’issue de cette saison européenne prolongée, mais qui aurait dû quitter le navire avant cela. L’heure du départ est arrivée, et le bilan n’est pas confortable.

Désormais âgé de 35 ans Thiago Silva est peut-être en train de vivre ses dernières semaines dans la capitale française sous les couleurs du Paris Saint-Germain, un club que le défenseur central a rejoint en 2012 à l’aube d’un nouveau projet qui devait rapidement mener le PSG sur le toit de l’Europe et de la Ligue des champions. Fort de son expérience au Milan AC, le Brésilien aura été l’un des premiers grands noms du football européen à rejoindre Paris et si le transfert de Zlatan Ibrahimovic aura été bien plus marquant à la même époque, le défenseur est encore aujourd’hui un titulaire de la défense francilienne et le capitaine d’un club qui ne sera jamais parvenu à atteindre ses objectifs. Pourtant nommé capitaine dès ses premières semaines sous ses nouvelles couleurs – Thiago Silva compte d’ailleurs aujourd’hui le record de matches disputés avec le brassard sous le maillot parisien –  le défenseur brésilien aura incarné cette incapacité à se transcender tout au long de son règne. Une suprématie timide sur un groupe de joueurs qu’il ne sera jamais parvenu à contrôler, pire même avec des décisions qui souvent se sont trouvées à contre-sens de l’intérêt collectif et du club qu’il est censé incarner. Le malaise sur la baisse des salaires que le capitaine a refusé n’est qu’un dernier exemple en date d’une situation devenue intolérable et qu’il s’agit désormais d’oublier pour le Paris Saint-Germain.

Du règne de Thiago Silva au PSG, c’est certainement la période jouée avec Laurent Blanc comme entraîneur qu’il faudrait retenir pour tenter de garder une image positive du défenseur central mais dans un contexte où il n’était alors que le capitaine officieux. Avec un Zlatan Ibrahimovic omniprésent, le défenseur brésilien a porté le brassard mais s’est d’abord longtemps contenté de rester en retrait pour laisser le géant suédois gérer les dossiers en interne comme ceux devant la presse. Dans un vestiaire qui n’était alors pas encore celui d’aujourd’hui, Thiago Silva n’avait pas encore l’influence (néfaste) qu’il a désormais en 2020 et il faut d’abord revenir sur le rôle primordial d’un capitaine pour comprendre comment le PSG a pu se saborder en laissant le brassard si longtemps à un joueur qui n’aura jamais incarné la fonction. Pire, Thiago Silva agît dans son propre intérêt et celui de ses plus proches compères brésiliens, alors que la fonction lui demande une compréhension plus globale d’un vestiaire complexe.

C’était d’ailleurs la qualité d’un Zlatan Ibrahimovic qui dès ses premières semaines dans le club de la Capitale s’est attaché à tenter de comprendre où il avait mis les pieds. Les jeunes du centre de formation, les règles de vie commune, la nourriture au centre d’entrainement, autant de petits détails sur lesquels le Suédois aura immédiatement eu un impact, lorsque Silva ne pense lui qu’à son avenir personnel. Ibrahimovic était un réel capitaine, malgré des déclarations publiques dont il aurait pu s’abstenir, mais avec un engagement de tous les instants en coulisses. Pour Thiago Silva le fonctionnement est inverse avec un rôle dévoyé, et des déclarations dignes des plus grands acteurs hollywoodiens devant les médias et auprès des journalistes que le Brésilien adore brosser dans le sens du poil, toujours pour son propre intérêt.

Le capitaine doit incarner un vestiaire dans son ensemble

C’est à la suite du départ de Zlatan Ibrahimovic et plus globalement lors de l’arrivée à Paris de la superstar brésilienne Neymar que Thiago Silva aura trouvé le moyen d’élargir ses prérogatives, tout en excluant toujours le sportif et l’idée de faire progresser le PSG. Avec Unai Emery, le rôle de Thiago Silva aura d’ailleurs atteint son apogée en termes de destruction de son équipe puisque le capitaine parisien est le principal artisan de la défaite mémorable en terre catalane avec un revers 6-1 qu’il faut imputer à un joueur qui aura donné des consignes différentes à celles de son staff technique. Paris a battu Barcelone 4-0 au match aller, et alors que le coach de l’époque prie ses joueurs de ne pas évoluer proche de leur but pour ne pas subir des assauts répétés, Thiago Silva estime qu’il doit faire l’inverse tout en étant capable de contenir l’armada du FC Barcelone. Un fiasco, une débâcle ancrée dans l’histoire du défenseur brésilien qui porte quasiment à lui tout seul la responsabilité du score final, même avec un arbitrage défavorable. Un élément qui n’aura d’ailleurs pas échappé à Emery puisque le Brésilien sera ensuite remplaçant à Madrid, un an plus tard, lors d’un match décisif au profit du jeune Presnel Kimpembe.

Lorsque Thiago Silva ne sabote pas les plans d’un staff technique, il se contente alors d’agir dans l’ombre pour protéger le groupe dont il se sent le plus proche (celui des joueurs brésiliens) tout en oubliant le reste d’un vestiaire qui navigue à vue. Encore capitaine aujourd’hui grâce au poids de Neymar qui se sent ainsi protégé de ses incartades, et à l’incapacité de Thomas Tuchel de prendre quelque décision que ce soit, Thiago Silva aura également incarné le déclin national avec des défaites dans les Coupes nationales et dans un championnat que le Paris Saint-Germain est pourtant censé maitriser de bout en bout. Alors qu’un capitaine digne de ce nom devrait s’atteler à la réunification d’un groupe peu facile à gérer, avec des égos surdimensionnés, la tâche principale de Thiago Silva a consisté à faciliter le séjour en France de Neymar et de ses compatriotes brésiliens au détriment d’une équipe qui évolue sans réel capitaine. Il ne s’agit pas de remettre en cause les qualités techniques d’un défenseur qui a longtemps eu le niveau pour évoluer dans ce groupe, mais l’apport inexistant et même nocif d’un homme pour lequel l’intérêt collectif peut être relégué au second plan. Tandis que l’institution PSG peine encore à exister, tant avec ses propres joueurs que face aux grosses écuries européennes, le club aurait grandement besoin d’un joueur capable de monter au créneau pour défendre ses couleurs et pas uniquement pour se présenter en larmes hollywoodiennes après des défaites. Avec une masse salariale hallucinante et malgré un propriétaire aux moyens financiers illimités, un geste de l’ensemble du groupe de joueurs sur les salaires aurait été particulièrement bien perçu notamment par les employés d’un club dont Thiago Silva n’a cure.

C’est ainsi que fonctionne le défenseur central, fort avec les médias, faible lorsqu’il s’agit de faire avancer le club qu’il est censé représenter. Égoïste même, avec comme seul intérêt les salaires d’un groupe restreint de joueurs dont il se sent responsable de par sa nationalité. Une approche exécrable et surtout indigne d’un club qui ambitionne de trôner sur le toit de l’Europe. Paris a d’ailleurs l’occasion de donner un nouvel élan à son projet avec un contrat de Thiago Silva qui arrive désormais à son terme et qu’il s’agit de ne pas prolonger pour amorcer une approche plus collective et plus sportive d’un projet qui aura pris du retard en grande partie à cause de son capitanat. L’heure du départ est arrivée pour Thiago Silva, et même si cela doit aller à contre-courant des volontés de Neymar, il faudrait désormais tenter de faire exister une institution plus que des joueurs. Ce que Thiago Silva n’accepte pas.

Emmanuel Trumer