Camavinga, futur chef d’orchestre

Âgé de seulement 19 ans, Eduardo Camavinga va vivre sa première finale de Ligue des Champions, ce samedi soir, avec son club du Real Madrid. Une institution que le jeune français a rejoint l’été dernier en provenance de Rennes pour ce qui pourrait s’apparenter à un braquage de la part des Merengue. Le génial milieu de terrain n’est pas encore un titulaire indiscutable, en toute logique, mais il pourrait déjà avoir un rôle à jouer lors de la finale comme ce fut le cas lors des tours précédents.

Même si cela pourrait passer pour un poncif véhiculé à tort et à travers, le football est allé vraiment vite pour Eduardo Camavinga qui a d’abord ébloui la Ligue 1 de son talent avant de s’envoler très rapidement pour l’Espagne et le Real Madrid qui a flairé l’énorme coup. Il n’aura fallu que 88 matches de Ligue 1 pour que le talent éblouissant de ce milieu de terrain plutôt frêle physiquement saute aux yeux, mais en réalité il n’aura fallu que quelques minutes et quelques ballons dans les pieds pour se rendre compte que Camavinga n’était pas tout à fait comme les autres. C’est d’abord avec Julien Stephan que le courant est passé, un entraineur qui a eu l’intelligence de parfaitement utiliser un joueur joueur quand d’autres entraineurs sont encore réticents à faire évoluer de si jeunes joueurs. Même pas majeur à ses débuts, Camavinga est un diamant brut qui a pris une nouvelle dimension depuis son départ au Real Madrid. Lorsqu’il a commencé dans le championnat de France, ce gaucher peu épais a montré une qualité balle au pied qui ne pouvait laisser indifférent tout en ayant encore des difficultés à augmenter un volume de course qui devait être travaillé. Le Real l’a fait depuis son arrivée et le résultat est aujourd’hui absolument magnifique.

En alliant désormais une capacité à jouer avec et sans ballon, Eduardo Camavinga est devenu un joueur très complet et son temps de jeu a progressivement évolué en même temps que le profil d’un talent brut. A Rennes, « Cama » rechignait parfois à faire les efforts à la récupération du ballon, à multiplier les courses au milieu de terrain pour permettre à son équipe de récupérer de précieux ballons et amorcer des phases avec ballons. Plus intéressé par le jeu avec le ballon dans ses pieds, le Français possède une capacité assez inouïe à distribuer le jeu et ce grâce à une intelligence dans la vision du jeu. Il arrive à voir les déplacements de ses joueurs dans le bon timing et sa qualité de passe lui permet de viser la bonne zone à chaque fois. La technique d’un joueur peut évidemment se mesurer à sa capacité à dribbler, mais les gestes justes de Camavinga entrent dans cette catégorie de joueurs précieux qui peuvent assurer la maitrise et le tempo d’un match. A cet âge c’est une caractéristique extrêmement rare, et même s’il pourrait encore augmenter son apport aux abords de la surface de réparation adverse, il est un métronome plus bas sur le terrain.

En plus de ces qualités déjà visibles à Rennes, son nouveau club du Real Madrid est parvenu à en faire un milieu de terrain capable d’être précieux à la récupération du ballon. Une activité physique plus importante et c’est désormais dans les deux domaines du jeu que l’international peut s’exprimer. La somme déboursée pour s’offrir ses services frôle l’indécence, et les 40 millions offerts à son club formateur sont déjà rentabilisés. Il ne restait plus qu’un an de contrat à Camavinga en France et si le pari pouvait paraitre risqué il est aujourd’hui payant et bien plus encore.

Un avenir doré, et un rôle en finale déjà ?

Capable d’être aligné au poste de numéro 6 devant la défense, capable d’évoluer en numéro 8 dans un profil de milieu relayeur qui lui convient encore mieux grâce à sa justesse, la polyvalence de Camavinga en fait un joyau que la France n’a jamais su repérer. Ou trop tard. Toujours est-il que l’International se régale à Madrid, entrant parfaitement d’un club qui a compris son talent et qui lui offre l’opportunité de s’exprimer grâce à un temps de jeu devenu intéressant. Ce ne fut pas le cas immédiatement à son arrivée, logiquement, mais dans un effectif madrilène vieillissant sa chance est rapidement apparue. C’est ici l’intelligence d’un club qui a pu intégrer un talent dans un effectif de stars, peu habitué à voir débarquer de si jeunes joueurs pour s’y imposer aussi rapidement. L’adaptation de Vinicius a pris du temps, celle de Rodrygo touche enfin au but, mais celle de Camavinga a dépassé toutes les attentes. Devenu international français lors de son passage à Rennes, nul doute que le milieu de terrain retrouvera les Bleus dans un futur très proche. Un avenir qui s’annonce rayonnant, et dans un rôle de titulaire absolument certain. Que ce soit dans la position de Casemiro ou celle de Kroos, Camavinga sera là pour assurer la succession.

Son apport a déjà été très précieux puisqu’il est peu probable que le Real Madrid soit aujourd’hui en finale de Ligue des Champions sans l’apport du Français. Cela pourrait paraitre exagéré mais ses entrées face au PSG en huitième de finale, Chelsea en quart de finale, ou Manchester City en demi-finale, à chaque fois les entrées de Camavinga ont changé le cours du match. Réussir à apporter concrètement dans ce genre de rencontre est la preuve ultime que le Français représente l’avenir d’un club madrilène qui va tenter d’obtenir sa 14evictoire en Ligue des Champions ce samedi soir. « Cama » aura encore très certainement du temps de jeu ce soir, dans une finale qui ne l’effraie absolument pas, puis viendra rapidement le temps où il aura alors à assumer un rôle de titulaire pour continuer à gagner avec son club. Eduardo Camavinga est désormais programmé pour ça, et c’est toute l’Espagne qui en profiter.

Toutes les étoiles se sont alignées pour un joueur arrivé sans expérience, mais qui a montré d’emblée une détermination, une force de caractère, et surtout une capacité à évoluer avec les meilleurs. Le fonctionnement global du club merengue permet au Français d’évoluer sereinement dans une trajectoire qui l’amener un joueur à être l’un des meilleurs milieux de terrain du monde. Il manque encore pour cela une place de titulaire qui ne va plus tarder, une capacité à apporter une dimension physique sur 90 mn, et une place en Equipe de France pour obtenir des titres internationaux. Les récompenses individuelles sont rarement attribuées à des joueurs qui marquent moins, qui ont des statistiques peu mises en avant, mais Camavinga et son insouciance ont l’air de ne pas s’en soucier. Un trésor qui a quitté la France bien trop tôt, mais qui était déjà prêt pour cela. Une réussite exemplaire, un modèle à perdurer, et un mérite qui lui revient entièrement. Camavinga, l’avenir est à toi.

Emmanuel Trumer