Monaco, l’apprentissage par la défaite

C’est le paradoxe d’un club et d’un effectif armé pour remporter des trophées, mais qui vient de laisser passer une nouvelle chance d’en remporter un avec une défaite face à Nantes en demi-finale de la Coupe de France. Une séance de tirs au but fatale pour des monégasques qui n’auront de toute façon jamais maitrisé cette rencontre, face à une équipe nantaise dans la continuité ses dernières performances (2-2, 4-2 TAB). L’entrée tardive de Boadu aura permis à Monaco de ne pas sombrer avant la fin du temps réglementaire, mais dans le contenu ce sont bien les Canaris de Kombouaré qui ont mérité leur finale au Stade de France. Sans aucune contestation possible.

Sur le papier, cette demi-finale comportait tous les ingrédients pour un spectacle intéressant et ce fut le cas avec quatre buts inscrits, une belle intensité dans les efforts physiques, et un stade de la Beaujoire absolument incroyable de beauté. Le FC Nantes se présentait avec les certitudes des semaines précédentes, et toujours dans la même volonté d’y apporter quelques ajustements en fonction de l’adversaire. Face à des clubs moins armés que l’ASM, Nantes évolue souvent dans une défense à quatre éléments et c’est dans un rôle plus défensif que Girotto a été aligné ce soir. Nantes n’a pas les arguments individuels pour maitriser techniquement une rencontre dans sa globalité, en tout cas pas face à Monaco, mais les 90 minutes de jeu de ce soir ont prouvé une fois de plus que l’équipe de Kombouaré était redoutable face à des adversaires qui cherchent encore leur idée de jeu. Pendant que les autres pataugent dans les approximations, dans les choix individuels ratés, dans l’incertitude de créer le jeu ou de défendre avec un bloc bas pour profiter des espaces avec des contres, les partenaires de Ludovic Blas ont délivré une nouvelle performance de haut niveau. C’est d’ailleurs le génial milieu de terrain qui a été à l’origine de toutes les offensives de son équipe, bien aidé par Kolo Muani et Simon qui ont proposé des courses incessantes pour mettre à mal la défense monégasque. Malgré une première période ratée du gardien de but Descamps, malgré une infériorité dans la qualité individuelle globale, Nantes se qualifie pour la finale au Stade de France et inflige une nouvelle défaite à Monaco après la piteuse performance face à Reims. Est-ce dû à la force de cette équipe nantaise ? A la faiblesse de ce que propose l’AS Monaco depuis quelques semaines maintenant ? La réponse est dans la deuxième explication pour moi, et malgré des progrès par rapport au marasme rémois cela ne suffit pas.

Dans l’approche du match pour commencer, avec des premières minutes très mal négociées par l’ASM, il a même fallu que Clément crie à ses joueurs le schéma dans lequel il voulait faire évoluer son équipe. C’est déjà un fait totalement incompréhensible à ce niveau, avec des joueurs qui ont dû attendre que leur entraineur leur hurle « A 4 derrière » pour comprendre le schéma mis en place. Comment en vouloir aux joueurs quand le choix des individualités de ce 4-2-3-1 ne sont pas cohérents. Le premier but nantais est inscrit par Sidibé contre son camp, revenu dans l’axe comme défenseur central car il a dans le couloir droit un latéral capable de défendre également. Un but inscrit dans ce contexte, à un niveau professionnel est une aberration mais elle est loin d’être la seule. Après ces balbutiements, Monaco a donc compris de quelle façon il fallait évoluer et c’est alors que toutes les difficultés dans la création sont réapparues. Les mêmes que face à Reims.

La volonté de Clément était de soutenir Ben Yedder en pointe avec un Diop en numéro 10 qui avait la liberté de s’approcher du buteur et de créer le jeu avec lui. Les deux milieux de terrain situés un cran plus bas, Tchouameni et Fofana devaient assurer une maitrise défensive dans les transitions adverses, et Youssouf Fofana s’est même permis plusieurs courses vers l’avant très intéressantes pour tenter de peser offensivement. Ce sont ici les seules satisfactions monégasques, et c’est beaucoup trop peu. Avec un choix de laisser Ben Yedder comme seul attaquant, de ne pas aligner Boadu ou Volland très proche de lui au coup d’envoi, l’unique solution à mon sens est alors d’avoir deux joueurs capables de créer par la passe, par le dribble, et d’apporter cette capacité à faire mal devant le but. Un milieu avec Diop et Golovin pourrait le permettre. L’animation dans l’axe a donc été renouvelée, et la liaison entre Diop et Ben Yedder est un réel point sur lequel il faut s’appuyer. Que ce soit dans l’axe, dans le couloir droit où ils ont dû dézoner, ces deux joueurs parlent le même football et c’est très séduisant à voir. Le reste de l’animation collective n’aura donné aucun résultat, et aura mis l’ASM dans une position compliquée. L’animation des couloirs avec un Gelson Martins qui n’a jamais réussi à peser dans le couloir gauche, et le couloir droit avec deux latéraux sont des ratés absolus. Gelson Martins est plus à l’aise dans le couloir droit, là où il a toujours évolué, et son match à gauche aura été une succession de ballons perdus.

Une animation totalement ratée

Le couloir droit a souffert tout le match, tant défensivement qu’offensivement, et le centre de Vanderson pour le deuxième but a permis de montrer qu’il est certainement le prétendant actuel le plus crédible pour le poste de latéral droit. Un profil en tout cas plus à l’aise avec ballon, mais qui a dû se contenter d’un long centre dans la surface pour se montrer dangereux. En partant de plus loin, en combinant dans son couloir avec un ailier, Monaco aurait pu peser dans une zone beaucoup plus étendue du terrain, et Nantes aurait eu beaucoup plus de difficulté à contenir la qualité individuelle de cet effectif monégasque. C’est l’entrée de Boadu qui a permis à Vanderson de centrer et de trouver son attaquant de la tête pour l’égalisation à 2-2, mais c’est la seule et unique situation dans le jeu pour Monaco ce soir. Il n’y en a pas eu d’autre. Pourquoi cela n’est pas possible d’avoir deux ailiers aux postes d’ailiers, deux latéraux aux postes de latéraux, et un ben Yedder soutenu par une pointe ou alors par deux joueurs au profil offensif (Diop – Golovin) ? Pourquoi l’unique arme monégasque actuelle consiste à centrer depuis des zones éloignées pour trouver des joueurs de la tête ? Comment est-ce possible ? Très honnêtement le contenu pour un effectif de cette qualité n’est pas loin du désastre ! Monaco peut et doit mettre en place plusieurs schémas, mais il faut impérativement qu’ils soient animés correctement sinon cela ne fonctionnera pas. J’ai déjà donné des pistes et nous pouvons les répéter, je commence très sincèrement à douter des capacités du coach actuel à les mettre en place.

Dans un 4-2-3-1, la défense avec Caio – Disasi – Maripan – Vanderson est séduisante, Vanderson ayant montré qu’il avait un vrai potentiel dans ce rôle de latéral droit, son poste avec le numéro 2 sur le dos. Tchouameni et Fofana sont capables d’évoluer au milieu, mais dans ce cas la présence en 10 de Diop ne suffit pas à soutenir Ben Yedder. Diop peut alors évoluer à gauche, avec une tendance peu dérangeante à rentrer dans l’axe mais Caio doit pouvoir utiliser les espaces dans son couloir pour proposer une solution de passe à Diop, ou alors pour amener une fausse piste à des défenseurs adverses qui auront un surnombre compliqué à gérer. Bpadu peut être ce 2eattaquant axial très proche de Ben Yedder dans l’axe, et c’est ce qui amène le seul but inscrit par les monégasques dans le jeu ce soir. A droite Gelson Martins serait plus à l’aise qu’il ne l’est à gauche, et dans cette idée toutes les zones du terrain seraient occupées par des profils cohérents. Le fait d’aligner deux latéraux dans le couloir droit aura amené un très large déséquilibre dans la construction du jeu monégasque qui a penché vers la gauche. Trop facile à défendre pour l’adversaire qui doit se contenter d’une animation minime dans l’axe (Diop – Ben Yedder) et d’une animation si sommaire dans les couloirs avec des centres à destination de personne ou alors de Boadu victorieusement quelques minutes après son entrée. Boadu est l’une des clés pour l’ASM c’est une évidence. Revenons sur le couloir droit qui n’a pas fonctionné hormis sur un centre, et qui aurait dû être animé par un latéral (Vanderson ou Sidibé) et un profil plus offensif (Gelson aurait pu permuter, Akliouche aurait pu entrer, même Volland aurait pu occuper ce poste). Les deux latéraux que sont Vanderson et Sidibé n’ont pas les déplacements et l’occupation de l’espace que peuvent avoir des joueurs plus offensifs, et mis à part de longues courses il n’y a jamais eu la possibilité de combiner haut sur le terrain dans cette zone pour pouvoir déstabiliser le bloc nantais. Avec Gelson peu à l’aise à gauche, un Ben Yedder qui a dû attendre la 70eminute pour être soutenu par Boadu dans la surface, nous avons ici les éléments de l’échec monégasque.

Cela peut paraitre incompréhensible à ce niveau, de devoir crier à ses joueurs le schéma après plusieurs longues minutes de jeu et un but encaissé, d’aligner deux latéraux dans le couloir droit alors que Ben Yedder peine déjà à trouver des espaces en pointe, de mettre Gelson dans un couloir qui lui convient moins bien que l’autre, mais c’est pourtant la réalité actuelle de l’ASM. Je pense très sincèrement que Philippe Clément n’a pas les capacités pour diriger cet effectif, et même s’il faut encore certainement attendre encore un peu de temps pour espérer voir des évolutions positives, Monaco doit dire adieu à toutes ses ambitions avec ce contenu. Avec ce que nous voyons depuis plusieurs semaines, Monaco est une équipe tout ce qu’il y a de plus banale en France, tandis que la matière à disposition devrait mener le club sur le podium de la Ligue 1. Peu importe à des Canaris qui ont réalisé une belle performance une nouvelle fois, et dont la qualification en finale confirme les nets progrès entamés depuis l’arrivée de Kombouaré et le départ de Domenech qui n’aurait jamais réussir à obtenir quoi que ce soit.

Celui qui passera après Clément, et cela ne devrait pas tarder à mon avis, aura l’avantage de pouvoir construire à partir du néant. C’est un avantage car il n’est pas possible de faire pire avec cet effectif. Qui pour occuper ce rôle ? Le débat est ouvert.

Emmanuel Trumer