Evra, l’amour du « je »

C’est désormais officiel, annoncé par le joueur lui-même sur ses réseaux sociaux puis dans les médias, Patrice Evra a pris sa retraite de joueur professionnel à 38 ans. Celui qui aura connu le plus haut niveau en club comme en sélection laisse l’image d’un latéral gauche parmi les meilleurs de sa génération, mais également d’un personnage qui peut irriter. Knysna est une marque indélébile, et l’OM une étape ratée, mais il faut avant tout retenir l’immense carrière de Patrice Evra. 

Cinq titres de Champion d’Angleterre et une Ligue des champions sous le règne de l’emblématique Sir Alex Ferguson avec Manchester United, trois titres de Champion d’Italie avec la Juventus sans compter les multiples coupes nationales, Patrice Evra aurait sans aucun doute dû rester dans les archives du foot comme l’un des tous meilleurs joueurs à son poste de latéral gauche. Un joueur qui a comblé son manque de taille par une hargne et un goût pour le combat, par une activité incessante dans son couloir gauche, et une qualité technique qui a fait de lui une redoutable arme offensive. Un joueur qui aura également toujours eu le besoin de tout contrôler, de par ses prérogatives de capitaine (en club comme en sélection) mais qui se sera parfois brulé les ailes. Il ne s’agit pas de dénigrer le fait de vouloir avoir des responsabilités, au contraire cela est toujours nécessaire dans un vestiaire, mais au cours de plusieurs épisodes douloureux, Evra aura parfois perdu le contrôle. 

Il y a bien évidemment en premier lieu un triste souvenir de 2010, quant à Knysna c’est Patrice Evra, brassard de capitaine au bras, qui a mené la grève des joueurs. En club, tout peut-être plus ou moins pardonné par le grand public, mais le maillot de la sélection nationale revêt un tout autre enjeu qu’Evra a alors perdu de vu. Devenu le symbole d’une génération déconnectée, peu à l’écoute des intérêts nationaux, et « indigne » de porter le maillot tricolore. Evra revient encore jusqu’à aujourd’hui sur cet épisode et toutes les explications du monde n’effacent pas le souvenir d’un groupe qui pensait pourtant agir au nom de leur coéquipier Nicolas Anelka. 

Knysna, une cicatrice profonde pour Evra et l’Equipe de France

Cette cicatrice ne sera jamais refermée, et Evra en garde certainement des blessures profondes qu’il a voulu expier par une communication outrancière. A Marseille, alors qu’il s’y engage pour se relancer après son aventure italienne à la Juventus, Patrice Evra ne se sera jamais rendu compte du décalage entre ses performances sur le terrain, et ce qu’il laissait transparaitre sur ses réseaux sociaux. Cela a irrité ses partenaires, ses dirigeants, et la fin de l’histoire s’est transformée en cauchemar avec un coup de pied sur un supporter de l’OM au Vélodrome qui n’acceptait plus de voir un joueur passer au-dessus du club. 

Sa carrière est un avantage pour son désir d’entraîner

L’OM était certainement la pige de trop pour un joueur qui n’avait plus les capacités physiques pour apporter autant qu’il l’aurait souhaité, mais qui n’arrivait pas à dire stop. Aujourd’hui Patrice Evra semble serein concernant son futur et son souhait de devenir entraîneur. Il faut dire que sa carrière est assez riche en expérience pour accompagner un groupe professionnel, mais il faudra pour cela également accepter de revenir sur les erreurs commises lors de sa carrière de joueur. De sa génération de joueurs, Sir Alex Ferguson voyait déjà en Evra un futur entraîneur et nul doute qu’après avoir côtoyé parmi les plus grands, le désir de vouloir écrire sa propre histoire est légitime.

Patrice Evra aura toujours été un leader naturel, apprécié par ses coéquipiers jusqu’à son aventure phocéenne, et cette caractéristique est nécessaire pour pouvoir diriger un groupe de joueurs professionnels. Mais elle s’avère rapidement inutile si elle n’est pas accompagnée d’une capacité à se mettre en retrait au profit de ses joueurs. Evra aura le temps de se familiariser avec son futur métier, et il nous reste alors à nous repasser les plus beaux moments de l’ancien latéral gauche sur le terrain, nombreux, plutôt que le reste. 

Emmanuel Trumer