Rudi Garcia, dépassé par sa vanité

Désormais installé sur le banc lyonnais depuis plus de quatre mois Rudi Garcia peine toujours à convaincre autant ses propres supporters que les observateurs du club rhodanien, et le déplacement de son équipe à Paris pour y défier le PSG ce dimanche soir pour le compte de la 24e journée de Ligue 1 pourrait de nouveau affaiblir le Français. Entre une communication désastreuse qui oscille entre vanité et folie alors que les résultats plongent l’OL dans une spirale inquiétante, et des choix sportifs comme tactiques qui interrogent, le bilan de Rudi Garcia est famélique.

Dans une sorte de dernier baroud d’honneur, Rudi Garcia est en train d’emmener avec lui un club emblématique, après avoir fragilisé l’environnement de l’OM qui avait pourtant vu en cet entraineur de 55 ans un bon moyen de lancer son Champions Project. Il faut dire que sur le papier, Rudi Garcia présente des atouts avec des expériences sur les bancs dijonnais, manceau, ou lillois plutôt réussies et même deux trophées glanés avec un doublé coupe-championnat obtenu dans le Nord lors de la saison 2010-2011. C’est d’ailleurs certainement à cette période qu’il faut remonter pour tenter de comprendre les idées de jeu qui anime un entraîneur dont la seule expérience à l’étranger se sera terminée par un naufrage. Dans un 4-3-3 plutôt basique, Garcia a toujours privilégié une sorte de stabilité au niveau du jeu et l’avènement d’un joueur comme Eden Hazard à cette époque aura fortement contribué au côté spectaculaire de ces succès. Rien de bien novateur, et pour trouver des références tactiques tant au niveau des entraineurs que des idées de jeu qui peuvent animer un amoureux du foot c’est un grand désert. Rudi Garcia parle avec les résultats, c’est sa marque de fabrique et elle est en train de le perdre. Tout d’abord parce qu’il n’en obtient plus, mais parce que jamais l’idée n’a encore traversé l’esprit du technicien que si ses joueurs ressemblent désormais à un ensemble moyen, morne, il en est le premier responsable.

Le parallèle avec son successeur à l’OM est inévitable, et vient encore assombrir un tableau qui devient alarmant. Avec des moyens moins importants, avec une période de restriction imposée suite au passage de l’entraîneur français et des dépenses faramineuses, André Villas Boas est actuellement en train de conduire Marseille à la deuxième place du championnat de France. A cela il faut ajouter la blessure de Florian Thauvin depuis le début de saison, et bien évidemment une production lyonnaise toujours moins séduisante sous la direction de Garcia. Que ce soit au niveau des idées de jeu, des mercatos, ou de sa manière de communiquer, l’entraineur semble vivre dans une sorte de monde parallèle dans lequel Strootman est un milieu relayeur, Gregory Sertic un joueur de l’OM, et Karl Toko Ekambi un ailier. Plus que la limite tactique, l’appréciation des profils est une donnée primordiale pour animer une équipe et en ce sens le contenu affiché par l’équipe de Rudi Garcia depuis son arrivée à Lyon est également inquiétant.

Après Sylvinho, Juninho se dirige vers un deuxième échec cuisant en tant que directeur sportif de l’OL.

Pour comprendre réellement la situation dans laquelle se trouve le club du Président Jean-Michel Aulas il suffit de se pencher sur le cas de la recrue Karl Toko Ekambi arrivé en provenance de Villarreal pour quelques vingt millions d’euros lors du dernier mercato hivernal. Avec la blessure de Memphis Depay l’OL doit trouver une solution afin de permettre à Moussa Dembélé d’être toujours aussi prolifique et au lieu de se tourner vers un profil similaire Lyon va aller un chercher un attaquant dont le profil se rapproche davantage de celui de Dembélé lui-même. Le résultat est incompréhensible avec un 4-3-3 animé sur les côtés par l’ancien angevin et Traoré la plupart du temps, et où aucun créateur n’est capable d’alimenter correctement et de manière assez régulière Dembélé. Il y a bien Houssem Aouar mais entre les consignes d’un milieu à trois et la nécessité de se rapprocher de son attaquant le rôle du français est galvaudé. Tout cela alors que l’OL possède dans ses rangs l’un des jeunes joueurs les plus talentueux de Ligue 1 avec Rayan Cherki et que son profil se rapproche de celui de Depay dans la capacité à distribuer pour les autres attaquants.

Le coup de Jean-Michel Aulas se transforme en parodie

Certainement désireux de vouloir porter atteinte à son rival marseillais en embauchant Rudi Garcia, le Président lyonnais est très certainement en train de se rendre compte que la plaisanterie prend un mauvais tournant, et les seize points d’écart avec l’OM à l’aube du déplacement à Paris sont là pour rappeler le terrible constat. Alors que le club lyonnais était déjà dans une situation délicate après le départ de Sylvinho (quatre points d’écart avec Marseille) jamais il n’aura atteint ces profondeurs et la dernière sortie médiatique de Jean-Michel Aulas pourrait également sonner comme un avertissement avant des matches important face au PSG déjà ou il s’agira d’éviter une déroute totale, puis face à la Juventus pour tenter un exploit qui semble inimaginable. Lié avec l’OL jusqu’en 2021, Rudi Garcia sait pertinemment que ce challenge représente très certainement le dernier avec un statut si prestigieux et pourtant les choix sont toujours plus mauvais. La défaite face à une équipe niçoise peu brillante, et le match nul 0-0 à domicile face à Amiens n’ont pas l’air d’avoir échaudé Rudi Garcia et voilà que désormais c’est Mapou Yanga-Mbiwa qui effectue son retour dans le groupe lyonnais pour défier Paris. Le centre de formation lyonnais, pourtant si prolifique ces dernières années, est de nouveau mis de côté par choix pour une préférence de résultat immédiat qui ne vient pourtant pas. Cocasse. Toujours est-il que la solution de répondre par une défense à 5 au système à deux attaquants du PSG pourrait trouver une certaine cohérence, encore faut-il que les joueurs alignés aient la confiance de leur entraineur puisque ceux-ci ont cru comprendre atteindre leurs limites personnelles face aux Picards amiénois.

Rayan Cherki est l’un des grands perdants du dernier mercato lyonnais.

Dans le monde de Rudi Garcia, la communication n’a désormais plus aucune importance et seule l’idée que ses choix vont mener à la victoire prédomine. En ayant perdu le vestiaire romain pour des raisons similaires après une défaite 7-1 face au Bayern Munich, après avoir perdu le vestiaire marseillais pour des choix contres productifs, Rudi Garcia a perdu un vestiaire lyonnais qui aura de tout façon rapidement été mis au fait et qui n’a jamais réellement adhéré. A la question de savoir si certains joueurs ont atteints leurs limites, certains ont d’ailleurs répondu en privé que c’était très certainement dû à la qualité des consignes données qu’ils n’avaient pas trouvé la clé. Couvert du surnom de « génie tactique » par son président il y a quelques heures encore, Rudi Garcia doit savoir que son crédit est très largement entamé et la rencontre en quart de finale de la Coupe de France face à l’OM sera un match qui va compter. Rudi Garcia retrouvera alors une équipe dans laquelle le défenseur Duje Caleta Car est rayonnant, pourtant placardisé sous Garcia, et dans laquelle Amavi est devenu un défenseur appliqué. Un club touché par les évènements passés mais qui peut désormais garder un cap nommé football, perdu de vu depuis bien longtemps par celui qui est passé de l’autre côté.

Emmanuel Trumer