Luis Campos, Casino Royale

Considéré comme un directeur sportif à tort, il rapporte des sommes affolantes à ses patrons plus certainement, et le profil de Luis Campos est de plus en plus influent en France. Passé par Monaco et désormais installé aux commandes du LOSC avec Gérard Lopez, le Portugais est un homme aussi discret que visionnaire. Dans un système français plutôt ancré dans des traditions frileuses en matière de recrutement, Luis Campos est en train de réinventer un système pour les autres clubs. Au grand bonheur de Lille.

En étant à l’origine des arrivées à Monaco de Bernardo Silva, Thomas Lemar, Tiémoué Bakayoko, ou encore Djibril Sidibé et Benjamin Mendy, Luis Campos est passé d’un relatif anonymat à un première reconnaissance en France. Il faut dire que le conseiller, car c’est son vrai rôle, a permis à l’équipe de Leonardo Jardim de remporter le titre devant le PSG, et à ses employeurs russes d’empocher des sommes faramineuses. Il a aussi déposé sa première carte de visite en France, avec un procédé pourtant déjà bien connu au Portugal, et qui fait encore le bonheur du FC Porto ou de Benfica. Des clubs habitués à dépenser des sommes conséquentes dans les méthodes de recrutement dont les fameux scouts et logiciels. Le résultat espéré est simple : repérer les très jeunes joueurs avant les autres pour suivre leur évolution et passer à l’action au bon moment sur le marché des transferts. Une méthode qui inclue de ne pas payer d’indemnités de transfert trop fortes pour envisager une juteuse revente par la suite. 

Si la garde rapprochée de Luis Campos est peu nombreuse, son réseau de recrutement est lui très vaste et difficilement quantifiable (un recruteur peut bosser exclusivement pour lui, ou lui proposer ses services à l’occasion). C’est ici que le rôle précis et le métier de Luis Campos deviennent intéressant puisqu’il agit personnellement au nom d’un Président en tant que conseiller, ce qui lui permet de négocier un pourcentage important sur chaque transfert. Dans un rôle de directeur sportif il le lui aurait été tout simplement impossible. Entre 0 et 20 millions d’euros pour l’achat, maximum, le montant estimé par lui-même pour la revente, et l’affaire est jouée. 

Luis Campos avec Leonardo Jardim et Vadim Vasyliev lorsqu’ils étaient réunis à Monaco.

Officiellement conseiller du Président, officieusement directeur sportif et aux manettes de la gestion sportive du club, Luis Campos est pourtant très peu visible dans le monde du football. Le proche d’un joueur raconte : « Il est toujours à l’étranger quand on essaye de le joindre. Il est invisible, mais c’est un très grand professionnel. » Un autre abonde : « Il connait les joueurs par cœur, tous, et quand un joueur l’intéresse c’est lui qui débarque ». Cela tombe bien, à Lille c’est à Marc Ingla que revient le rôle de la gestion quotidienne, quand Luis Campos travaille avec le Président sur l’effectif et les transferts. Une gestion organisée, complexe peut-être, mais efficace. « Marc Ingla ne connait pas les joueurs, c’est un gestionnaire, les rôles sont bien définis au LOSC et tout le monde connait parfaitement le sien » confirment les sources proches du club. Et Christophe Galtier dans tout cela me direz-vous, lui aussi connait parfaitement son rôle et le joue pleinement avec l’intégration des joueurs dans son schéma de jeu. Bien plus pratique que Marcelo Bielsa et ses idées non négociables, mais c’est un tout autre sujet. 

Luis Campos, le foot comme aire de jeux 

Né dans le Nord du Portugal, Luis Campos n’a pas débarqué dans le foot en France, mais bien chez lui d’abord en tant qu’entraîneur. Des expériences qui se résument à des échecs, mais déjà dans l’esprit de Campos son attrait pour les joueurs et leur profil est plus fort que la gestion au quotidienne de ces derniers. Il n’est peut-être pas fait pour le métier d’entraineur, mais il connait trop bien le football pour en sortir et son expérience au côté de José Mourinho au Real Madrid a également dû forger son caractère. 

Gérard Lopez peut avoir le sourire à côté de Luis Campos au LOSC.

Lorsque l’on demande le trait de caractère de Campos la réponse ne se fait pas attendre : « Il a des sautes d’humeur qui le rende insupportable parfois, mais de toute façon c’est lui qui a raison à chaque fois ou presque. » La récente altercation avec Nasser AL-Khelaifi pourrait en témoigner. Campos n’hésitant pas à demander de manière arrogante qui était le Président du PSG. Ne pas se tromper pour faire gagner ses équipes ? Pour être certain d’empocher le jackpot à chaque fois ? Un peu des deux certainement, mais une chose est certaine avec Campos, jamais un transfert ne sera effectué pour ses liens avec un agent : « Un immense professionnel avant tout » confirme-t-on. Entre les pays, les championnats du monde entier, et Monaco, là où est basée son agence de recrutement, Campos a toujours un coup d’avance sur les joueurs et sait surtout quand frapper sur le marché. 

La question pourrait alors se poser de savoir pourquoi Luis Campos a décidé de partir de Monaco, alors qu’il pouvait y continuer sa collaboration avec Leonardo Jardim et poursuivre dans une voie victorieuse. A cette question les réponses restent vagues, on parle d’un « nouveau projet » avec le LOSC. Vous le voyez venir, comme pour les joueurs, ce qui engendrent souvent l’augmentation du salaire, de la commission sur le transfert ici en l’occurrence. Mais à vrai dire peu importe puisque Luis Campos fait gagner ses équipes par ses visions, son travail surtout, et un monde du football qu’il connait sur le bout des doigts désormais. C’est Gérard Lopez qui peut remercier Luis Campos puisque les conseils de ce dernier depuis son arrivée ont sauvé une maison bien mal engagée il n’y a pas si longtemps encore, grâce à la vente de Nicolas Pépé, Rafael Leao, ou encore de Thiago Mendes. Gérard Lopez l’a dit cet été : « Ce mercato va nous permettre d’être tranquille un moment et de voir venir pour les prochains mercato », sans surprise avec Luis Campos à coté comme garantie bancaire et sportive. Une sorte de Casino Royale à lui tout seul. Mais on en redemanderait presque. 

Emmanuel Trumer