Cavani, trop grand pour Paris

A l’aube de sa fin de contrat avec le PSG, Edinson Cavani est en train de prouver qu’il figure encore aujourd’hui comme l’un des tous meilleurs avant-centre de la planète football. Titulaire lors du match retour victorieux face à Dortmund et indispensable dans le nouveau schéma de son club parisien, l’attaquant uruguayen aura traversé des périodes difficiles dans le club de la capitale, entre mauvaise utilisation ou mise à l’écart injustifiée. Dans une équipe qui glorifie les stars individuelles au détriment du collectif rien d’étonnant à première vue, mais Paris est passé à côté d’une autre idylle avec le meilleur buteur de son histoire. 

Acheté à Naples en 2013 où Edinson Cavani était devenu une idole grâce à des statistiques affolantes et un dévouement de tous les instants, l’international uruguayen n’espérait certainement pas vivre de telles années au sein du Paris-Saint Germain, et à l’heure du bilan il faut avouer que le pari est un échec pour le joueur. Malgré des trophées nationaux à la pelle qui ont fini par ennuyer tant les protagonistes eux-mêmes que les supporters, Edi comme il est surnommé ne sera jamais parvenu à remporter une Coupe d’Europe avec le PSG. Dans certains cas, les joueurs peuvent être responsable de ces échecs mais pas ici car quand on rembobine sur l’historique de Cavani, c’est à Paris qu’il revient de s’excuser d’avoir mis un tel frein dans la carrière de l’Uruguayen. L’histoire a d’abord commencé en 2013 lorsqu’il rejoint la capitale française et son nouveau projet pharaonique pour tenter de décrocher les étoiles, une arrivée pour un montant important de plus de 60 millions d’euros, mais immédiatement une adaptation délicate avec un concurrent peu commun sur le front de l’attaque en la personne de Zlatan Ibrahimovic. Sous la houlette de l’entraîneur français Laurent Blanc, ou plutôt du technicien suédois Ibrahimovic devrais-je dire puisque c’est ce dernier qui s’est chargé des compositions d’équipe sur sa période parisienne, Edi a déjà commencé à servir de faire-valoir. Pour comprendre Cavani, il faut d’abord prendre en compte un caractère si malléable que même pour un attaquant de sa trempe le fait de jouer dans un couloir dans le 4-3-3 imposé par Zlatan n’aura jamais posé de problème, l’Uruguayen s’est exécuté sans jamais rechigner et malgré un rôle et un positionnement ingrats Cavani est toujours parvenu à maintenir des statistiques assez ahurissantes.

Aujourd’hui meilleur buteur de l’histoire du club francilien avec 200 réalisations au compteur, Edinson Cavani présente ce profil si singulier à pouvoir répéter sans cesse les efforts, une volonté de venir récupérer les ballons très bas sur le terrain et de participer aux phases défensives de son équipe. Plutôt logique dans un couloir où le poste demande ces efforts, mais même lorsqu’il évolue dans l’axe en position de numéro 9 il n’existe absolument aucun autre joueur sur la planète football capable d’allier une telle intensité, une répétition dans les courses, et une participation au jeu défensif si importante tout en gardant cette lucidité pour être l’un des tous meilleurs finisseurs dans la surface de réparation adverse. Toujours est-il que Cavani aura sans cesse exécuté les ordres, puis il lui aura fallu attendre le départ de Zlatan Ibrahimovic du PSG pour retrouver son poste de prédilection, une zone axiale qu’il n’aurait jamais dû quitter, et sous les ordres de Unai Emery c’est avec une confiance amplifiée que le Matador a enchainé les pions. L’entraîneur basque l’a immédiatement senti à son arrivée, il devrait faire un choix entre le Suédois et Edinson Cavani et l’Uruguayen a alors trôné à la pointe de l’attaque du PSG. Une période également assombrie par l’échec retentissant en Ligue des champions face au FC Barcelone (défaite 6-1 au Camp Nou et une élimination après avoir mené 4-0 à la sortie du match aller). Même dans ce naufrage collectif, que l’on peut imputer à une charnière défensive qui est passé outre les consignes de son coach d’alors, Cavani aura été le seul à sortir la tête de l’eau et a marqué pour son équipe. Une générosité, une envie d’un collectif qui n’a jamais existé au PSG, et des traces indélébiles qui ont massacré un joueur qui aurait pu tout gagner s’il avait fait un autre choix à l’été 2013.

Cavani, un joueur collectif au pays des individualistes 

Dans ce Paris Saint-Germain si bling bling, qui décroche ses joueurs à des prix inabordables pour les autres, une lueur apparaissait en la personne de Cavani mais personne n’a jamais compris que lui-seul avait pour intérêt le collectif alors que tous autour regardent les statistiques individuelles avant de penser à l’équipe. La vraie star du PSG, le meilleur buteur du club, sans le plus gros salaire loin de là, un amour du foot dans un vestiaire de joueurs incapable de comprendre quoi que ce soit si ce n’est l’argent. Pour Verratti les prolongations sans raison si nombreuses qu’on ne peut même plus les compter, pour Mbappé la lumière et une volonté de décider des compos à 19 ans, pour Neymar les voyages au Brésil et les intermittences à plus de 30 millions d’euros l’année, quand un seul soldat aura toujours répondu présent dans la tempête, connaissant ses devoirs de footballeur professionnel, mais qui finalement aura laissé une partie de ses plus belles années entre les mains d’une institution inexistante, aujourd’hui entraînée par un anonyme dont la connaissance du football est très sérieusement à remettre en question.

Un entraineur en la personne de Thomas Tuchel, capable d’écarter Cavani en pensant que ses stars vont le sauver mais ne voyant pas par incompétence que la seule lueur se nommait le Matador. Il aura fallu un match aller à Dortmund en guise de cauchemar et un ultimatum de ses dirigeants, comprenez s’il ne changeait pas ses plans pour le retour il pouvait prendre un billet d’avion, pour que Tuchel daigne enfin aligner Cavani dans l’équipe et ainsi offrir cet équilibre entre des joueurs peu enclins à effectuer les replis défensifs et un Matador qui privilégiera toujours l’intérêt collectif avant le sien. Lorsque Mbappé arrive à Paris, c’est déjà l’international français qui entraîné par Neymar demande à évoluer seul devant, ne comprenant pas qu’un système à deux pointes lui serait bénéfique. Par une présence physique déjà, qui oblige les adversaires à une attention de tous les instants, mais surtout par un sens du déplacement, des appels et de l’espace du terrain qui sont des sciences si précieuses. Non, à Paris la lumière est pour qui la prend peu importe la manière et peu importe le processus tactique, dans un club ou Edinson Cavani et Angel Di Maria ont plusieurs fois été poussés vers la sortie. Incompréhensible, triste, à en perdre son football, et surtout à en dégouter d’un sport qui pourtant se joue à 11 et se gagne à 11. Les discours, comme les chants, ne servent à rien s’ils ne sont pas accompagnés par des actes, et l’on peut désormais gager que si la saison venait à reprendre, Cavani continuera à évoluer comme titulaire sur le front de l’attaque aux côtés d’un Kylian Mbappé à qui il apporte énormément, et devant un Neymar qui est bien heureux de regarder courir l’Uruguayen pour toutes les courses que le Brésilien n’effectue pas.

Une carte de visite d’international qu’il n’est même pas la peine d’évoquer, tant l’importance du Matador est reconnue dans son pays natal, dans ses clubs précédents également, mais pas à Paris où le football n’est pas la priorité. Cavani est bien trop grand pour Paris, bien trop fort, bien trop précieux, et à un moment où il doit désormais choisir son avenir son entourage s’est déjà exprimé pour un penchant madrilène. Pas le Madrid bling bling du Real, Edi doit en avoir sa dose du clinquant, mais l’Atletico de Simeone qui pourrait être une belle porte de sortie pour lui. L’Atleti gagnerait à engager Cavani, un joueur libre qui a encore deux ou trois années au plus haut niveau devant lui, voir plus grâce à une hygiène de vie absolument irréprochable, et dont le profil s’incorporerait parfaitement au système de jeu du Cholo Diego Simeone. Un crève-cœur pour les amoureux du football à Paris, s’il en reste, mais une nécessité pour lui de prouver qu’il peut être important et mener son équipe vers les plus hauts sommets. Et si jamais il prenait l’envie de prolonger à Paris, Cavani devrait alors se montrer intransigeant dans les négociations avec le plus gros salaire du club parisien, et une clause de garantie pour le rester. Le football se paye cher de nos jours, et s’il n’allume pas la Tour Eiffel il est une garantie de faire lever les foules. Cavani, un héros du football business, une denrée bien trop rare pour être jugé à sa juste valeur dans les conditions actuelles du club francilien. Peu importe son avenir à vrai dire, qui sera radieux quoi qu’il arrive, il convient de remercier Cavani pour ces années passées, avec une pointe de nostalgie mais également un amour indicible pour l’un des derniers samouraïs du vrai football. Il est désormais temps pour Edi de redevenir le Matador, et si Cholo pouvait s’en charger alors tout irait mieux.

Emmanuel Trumer