Dimitri Payet, artiste à mi-temps

Il est le transfert le plus cher de l’histoire de son club de l’OM, et à 32 ans Dimitri Payet n’a pas encore rendu la pareille à un public pourtant prêt le porter très haut. Il y a bien eu cette saison avant Coupe du monde, lors de laquelle Payet n’aura pas hésité à jouer jusqu’au bout quitte à se blesser et certainement rater la compétition en Russie avec les Bleus, mais globalement le milieu de terrain est en train de passer à côté de son retour. Il s’agit également de l’un des nombreux défis pour André Villas-Boas depuis son arrivée à Marseille. 

A l’aube de sa 3e saison sous le maillot de l’Olympique de Marseille, si l’on ne prend en compte que ce deuxième passage dans la cité phocéenne après celui de 2013 à 2015, Dimitri Payet est à un tournant qu’il va devoir particulièrement bien gérer. Avec l’Euro en perspective, et un entraîneur olympien qui tente déjà de le piquer en conférence de presse, Payet sait qu’il est attendu cette saison. Il faut dire que le Vélodrome et les supporters de l’OM restent sur leur faim depuis la saison 2017-2018, celle du retour de Dimitri Payet à Marseille après une escapade anglaise de deux saisons à West Ham. Un changement d’air qui a porté ses fruits puisque le milieu de terrain a parfois ébloui le Royaume de sa facilité technique pour distribuer le jeu, de ses coups-francs millimétrés, ou d’une capacité assez redoutable à éliminer ses adversaires balle au pied par ses dribbles et ses courses. Payet c’est également le joueur que la France entière a découvert un soir de France-Roumanie à l’Euro 2016, alors qu’il évolue justement en Angleterre, mais qu’il donne un autre relief à sa carrière avec un but extrêmement important dans les derniers instants du match.

Les larmes de joies qui ont suivies ont laissé place à une forme de lassitude, parfois interrompue d’éclairs de génie dont il a le secret, et à une forme de malchance aussi avec cette blessure avant la Coupe du Monde 2018. Avant ce coup d’arrêt, Payet est l’auteur d’un retour plutôt remarqué, même si les 5 premiers mois ne sont pas d’un standing exceptionnel. C’est la deuxième partie de saison qui permet au joueur de mener son équipe vers la finale de la Ligue Europa avec des performances très abouties. 

Dimitri Payet et ses coéquipiers lors de la victoire face à Bilbao le 8 mars 2018/ AFP PHOTO / ANNE-CHRISTINE POUJOULAT

Dimitri Payet justifie alors globalement l’investissement effectué par la nouvelle direction qui a déboursé 30 millions d’euros pour le rapatrier à l’OM et lui offrir le plus gros salaire de l’effectif. Des sommes importantes pour un joueur sur lequel Marseille ne pourra pas espérer de revente, mais qui montrent l’envie pour les dirigeants d’en faire la tête d’affiche du projet. Pour Payet, ce choix de revenir à l’OM n’est pas négociable puisqu’il souhaite se rapprocher de sa famille et obtient de Marseille toutes les garanties financières. Brassard de capitaine au bras, l’international enchaîne alors la saison que l’on connait et le fait de voir ses coéquipiers Bleus soulever la Coupe du Monde quelques semaines après a du toucher l’homme et le joueur. Comme Adil Rami dans un certain sens, qui après avoir réalisé l’objectif de sa vie n’avait peut-être plus l’envie de faire son métier de la même façon. Pour Dimitri Payet cela se rapproche davantage de la tristesse, puisqu’il n’y était pas, mais le résultat est à peu près le même avec une saison suivante complétement ratée. 

L’excuse Rudi Garcia n’est plus audible aujourd’hui

Auteur d’une saison catastrophique l’année dernière, Dimitri Payet pouvait toujours se cacher derrière un marasme collectif que Rudi Garcia entretenait dangereusement. Des schémas tactiques très peu adaptés à ses joueurs, des choix perdants, et une tension au quotidien. L’arrivée de Kévin Strootman dans le vestiaire olympien avec un salaire au moins équivalent au sien a pu l’agacer également, tout comme la perte de son brassard de capitaine au profit de Steve Mandanda cet été, mais Dimitri Payet ne peut pas se cacher derrière ces excuses à l’aube de cette nouvelle saison. André Villas-Boas ne s’est pas gêné pour évoquer le rôle de son joueur ce mercredi après-midi en conférence de presse : « On a fait 600 passes mais nos meilleurs passeurs sont les défenseurs. Pas de profondeur, pas de dribble et d’élimination. On n’a pas assez appuyé derrière le dos des latéraux adverses. On a tiré deux fois au but, ce n’est pas assez ». Comprenez, tout ce que doit faire Dimitri Payet sur le terrain mais qu’AVB ne voit pas encore dans le 4-3-3 mis en place. 

André Villas-Boas attend beaucoup de Dimitri Payet, qui doit être un leader de ce nouvel OM.

L’arrivée de Dario Benedetto sera certainement un avantage pour Dimitri Payet dans son couloir gauche, qui retrouvera un buteur capable d’exister seul en pointe dans la défense adverse, mais qui doit tout de même avoir d’autres exigences pour lui-même. Payet est plus à l’aise lorsqu’il évolue totalement libre au cœur du jeu, et son rôle d’ailier gauche l’oblige à une certaine prudence pour ne pas exposer encore plus Jordan Amavi derrière lui, mais son rôle à la création du jeu ne doit en aucun cas changer, c’est le message envoyé par son entraîneur ce jeudi après-midi. 

La tête d’affiche d’un projet délicat à identifier

Après une première défaite inaugurale à domicile face à Reims ce samedi, les rumeurs de joueurs touchés moralement au sein du groupe de l’OM se sont intensifiées et à vrai dire peu importe leur véracité puisqu’il incombe justement en partie à Dimitri Payet de faire en sorte que ce groupe puisse évoluer à un niveau acceptable, malgré une direction qui patine dans un flou artistique assez étonnant. Forcément les joueurs le sentent, les supporters aussi, et le mélange n’a absolument rien de bon pour un OM qui ne peut se permettre de revivre la même saison cette année. Tandis que Steve Mandanda semble lui être revenu à une forme intéressante, Dimitri Payet doit prendre le relais sur le terrain tout simplement car il en possède les qualités techniques et que son équipe peut difficilement s’en passer. 

Ensuite, Dimitri Payet et d’autres seront en position légitime pour demander des comptes à un projet qui stagne, malgré une finale européenne en Ligue Europa il y a deux ans maintenant. Et puis après tout, ce projet a été choisi et voulu par le joueur en personne et même si de l’eau a coulé sous les ponts depuis, il s’agit désormais de ne pas faire sombrer la digue. 

Emmanuel Trumer